Tchad, 64 Ans d’Indépendance : Une Fête qui N’en Est Pas Une

Le 11 août 2024 marque le 64e anniversaire de l’indépendance du Tchad. C’est un jour où, normalement, le peuple tchadien devrait célébrer avec fierté la souveraineté de sa nation, l’émancipation de la tutelle coloniale, et la marche vers un avenir radieux. Pourtant, à y regarder de plus près, cette fête d’indépendance a des allures d’une célébration creuse, une « joyeuse fête » qui n’en est pas une. Le Tchad, bien que libre de nom, semble refuser d’exercer pleinement son indépendance, préférant s’accrocher à des dépendances et des illusions, comme un nourrisson qui refuse de grandir.

L’Illusion de l’Indépendance

Le Tchad a obtenu son indépendance en 1960, mais six décennies plus tard, force est de constater que cette indépendance reste largement symbolique. Au lieu de prendre son destin en main, le pays se complaît dans une dépendance multiforme, que ce soit économique, politique ou même idéologique. Cette situation résulte en grande partie de notre incapacité à assumer nos propres erreurs et à reconnaître nos échecs. Nous avons développé une tendance inquiétante à blâmer les autres pour nos malheurs, pointant du doigt les puissances étrangères comme les principales responsables de nos souffrances.

Prenons par exemple les récentes manifestations organisées par le mouvement Wakhit Tama, non pas pour dénoncer les injustices internes ou les crimes perpétrés par nos propres concitoyens, mais pour fustiger la France. Cette fixation sur l’ancien colonisateur nous empêche de voir les véritables responsables de nos maux : nous-mêmes. Pendant que nous dénonçons la France, des Tchadiens continuent de faire souffrir d’autres Tchadiens dans l’indifférence générale. Cette incohérence se retrouve aussi dans notre empressement à manifester pour des causes lointaines, comme celle de la Palestine, alors que nos frères et sœurs meurent à quelques kilomètres de nous, dans notre propre pays.

Le Paradigme de l’Irréalité

Il est tragique de constater que nous, les Tchadiens, semblons exister plus dans la rhétorique que dans la réalité. Nous avons adopté un paradigme de pensée où toute chose positive est attribuée à l’Occident ou à des puissances étrangères, et toute chose négative leur est également imputée. Ce raisonnement irresponsable nous prive de la capacité à nous regarder en face, à reconnaître nos fautes et à prendre les mesures nécessaires pour nous améliorer.

Un exemple frappant de cette mentalité est la récente vague de russophilie qui a balayé notre pays. Dans un élan de naïveté, certains ont cru que la Russie, par sa posture anti-occidentale, serait notre alliée désintéressée, la seule nation qui « nous aime bien ». Une telle croyance relève de la pure bêtise, d’une fuite en avant face à notre propre responsabilité. Le Tchad ne pourra jamais se développer tant qu’il se réfugiera dans des illusions étrangères au lieu de se concentrer sur ses propres défis.

La Nécessité de la Responsabilisation

Le Tchad souffre aujourd’hui de divisions profondes, de népotisme endémique, de corruption galopante, et d’un déficit criard de patriotisme. Ces maux, nous les avons créés nous-mêmes. Pour cacher nos échecs, nous avons élaboré un paradigme ridicule, lâche et irresponsable, à travers lequel nous analysons notre situation. Et c’est ainsi que nous stagnons, que nous souffrons, et que nous mourons.

Mais il est temps de dire « ça suffit ». Il est temps pour le peuple tchadien de grandir, de se réveiller et de prendre ses responsabilités. Il est temps de reconnaître que nous sommes les architectes de notre propre destin et que nous devons assumer nos fautes pour espérer un avenir meilleur.

Le chemin vers la rédemption passe par une prise de conscience collective. Nous devons cesser de chercher des boucs émissaires et commencer à nous interroger sur ce que nous pouvons faire, ici et maintenant, pour améliorer notre sort. Chaque Tchadien a un rôle à jouer dans cette entreprise de réhabilitation nationale. Nous devons exiger plus de nos dirigeants, plus de nos institutions, et surtout, plus de nous-mêmes.

Conclusion : Sauver l’Espoir

L’espoir au Tchad est un bien précieux, mais chaque jour qui passe, il s’effrite un peu plus. Nous ne pouvons plus nous permettre de rester passifs, d’attendre que d’autres viennent résoudre nos problèmes. Nous devons prendre notre destin en main, car nous pouvons mieux, et nous devons faire mieux.

Le Tchad a les ressources, le potentiel et la richesse humaine pour se redresser. Mais cela ne se produira que si nous arrêtons de fuir nos responsabilités, si nous faisons face à nos échecs, et si nous nous engageons à sauver cet espoir quotidiennement mourant qui nous reste. Il est temps de grandir, d’exercer pleinement notre indépendance, et de bâtir un avenir digne des sacrifices consentis par nos aînés. L’heure n’est plus à la dépendance, mais à l’affirmation de notre souveraineté réelle, celle qui se forge dans l’autonomie et la responsabilité.

Me Eric GUEDENG

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