SOTEL TCHAD : enfin la privatisation tant attendue ?
Créée en 1998, la société nationale SOTEL TCHAD s’est posée sur le tarmac du marché des télécommunications pour ne plus décoller. La seule solution de viabilité est la privatisation. Celle-ci n’aura été que de courte durée en 2011. Le nouveau désir manifesté par l’Etat de passer la main à un nouvel opérateur économique pourrait-il faire basculer définitivement les choses dans l’escarcelle privée ?
“Les résultats de l’entreprise publique sont faibles et fragiles. La dette des principales entreprises à participation publique continue d’augmenter au point d’atteindre des niveaux très importants. Là, nous parlons des chiffres de 2017, la gouvernance des sociétés à participation publique souffre d’importantes faiblesses. Les dispositifs des gouvernances n’ont ni une base commune ni un pilotage intégré“, a reconnu le Ministre des Finances, du Budget, de l’Economie et de la planification, Tahir Hamid Nguilin, devant les Conseillers Nationaux, en septembre 2024 alors qu’il défendait un projet de loi sur la gouvernance des sociétés à participation publique.
SOTEL TCHAD, l’une de ces sociétés, dans le secteur des télécommunications est en difficultés chroniques. C’est l’image que l’opinion retient de cette entreprise publique détenue majoritairement par l’Etat Tchadien. Son portefeuille d’abonnés est à 23.907 personnes au dernier comptage (2020), selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Très loin derrière ses concurrents privés que sont Moov Africa et Airtel. Elle a une faible couverture réseau pour un chiffre d’affaire moyen annuel de 10 millions d’euros. Un résultat insuffisant pour couvrir les dépenses d’exploitation et de modernisation des infrastructures.
La compagnie publique, numéro trois du marché des télécoms, avait déjà été cédée en 2010 au libyen Lap Green après une première tentative infructueuse en 2004. En 2010, avec l’intervention de l’ancien guide libyen, Mouammar Kadhafi, le rachat est attribué à une entreprise libyenne (Green Network) pour 45 milliards F CFA (90 millions USD). Une avance de 10 milliards F CFA (20 millions USD) est versée au Tchad. Mais les évènements de Libye et la chute du régime Kadhafi font à nouveau capoter cette deuxième tentative de privatisation. Et la Sotel replonge dans les dettes qui s’élèvent à 20 milliards F CFA (40 millions USD). L’Etat a repris les choses en main.
L’opérateur n’était plus en mesure d’exécuter ses obligations et gérer la transition post-cession. Face aux difficultés de même nature, le gouvernement a lancé un appel d’offre international aux investisseurs pour la prise de participation à hauteur de 80% pourvu que le repreneur ait la surface financière et l’expertise nécessaires à la redynamisation de SOTEL TCHAD. “Depuis sa création en 1998, la Sotel n’a bénéficié que des faveurs de l’Etat pour son évolution. Toute sa difficulté réside au niveau des factures non payées par ses clients. Sur les 733 millions F CFA pour la facturation mensuelle, seulement 263 millions F CFA ont été recouvrés du fait de l’Etat tchadien qui est le grand client, ne paie pas la facture de ses consommations”, avait indiqué l’ancien ministre des postes et des télécommunications, Daoussa Déby, à l’époque de la deuxième opération de privatisation. “Privatiser la SOTEL, c’est lui trouver une porte de sortie”, avait-il conclu. Mais les députés et le personnel se sont opposé à cette démarche jugeant les mesures sociales insuffisantes. “Il est regrettable que l’on tente de remercier les 556 employés de la Sotel en monnaie de singe. Ces employés veulent qu’on les rétablisse dans leurs droits”, avait déclaré Eloi N’Dimandjingar, président du collège des délégués du personnel de SOTEL TCHAD. La privatisation n’avait pas eu lieu.
Aujourd’hui, le gouvernement remet sur la table la nécessité de céder ses actions à un opérateur. Il cherche une banque d’affaire pour mener la démarche avec professionnalisme. Tous les acteurs s’accordent sur l’opportunité de privatiser SOTEL TCHAD. Les institutions internationales comme le FMI et la Banque Mondiale, le personnel et l’Etat lui-même. Le défi est plutôt la prise en compte équitable des intérêts des parties prenantes. A défaut, une nouvelle opposition ne manquera pas et remettra encore à plus tard cette réforme majeure pour l’économie nationale.
La Rédaction Dari Infos